Libéralisation du marché de l’assurance emprunteur : résiliation de l'assurance emprunteur à tout moment (Loi 28/02/2022)
La loi relative à l’assurance emprunteur, dite loi Lemoine, prévoit que les assurés peuvent changer d'assurance emprunteur à tout moment, le questionnaire de santé est lui aussi supprimé lorsque l'encours de crédit par assuré est inférieur à 200 000 €, et le droit à l'oubli renforcé.
1. Ce qu'il faut retenir
La loi relative à l’assurance emprunteur a été publiée au Journal officiel le 1er mars 2022 . Elle prévoit :
- d'ouvrir la possibilité aux personnes physiques ayant souscrit un emprunt immobilier de résilier sans frais et à tout moment l'assurance emprunteur sous réserve, le cas échéant, de proposer une assurance de substitution offrant des garanties équivalentes,
- de supprimer le questionnaire médical lorsque l'encours de crédit par assuré est inférieur à 200 000 € et que le remboursement arrive à échéance avant que l'assuré ait atteint l'âge de 60 ans,
- de réduire à 5 ans (au lieu de 10 ans actuellement) le droit à l’oubli pour les personnes ayant eu un cancer ou l'hépatite virale C.
2. Conséquences pratiques
Cette nouvelle règlementation s'applique, pour l'essentiel, aux offres émises à compter du 1er juin 2022 et, à compter du 1er septembre 2022 pour les contrats en cours.
Elle concernera les crédits immobiliers à usage d’habitation ou à usage mixte (d’habitation et professionnel) contractés par des personnes physiques (voire par des sociétés, voir remarque ci-après) et non destinés à financer une activité professionnelle.
C. cons. art. L. 313-1 et L. 313-2
Le prêt devra servir à financer un bien immobilier ou un terrain à bâtir sur lequel sera érigé un tel bâtiment, des parts de sociétés d’attribution.
Seront donc exclus (sauf dispositions contractuelles contraire) :
- les prêts destinés à financer les locaux commerciaux ou professionnels (quand bien même le prêt serait sollicité par une personne physique),
- les prêts destinés à financer l’achat de parts de SCI (y compris familiales) ou SCPI,
- les prêts souscrits par des sociétés destinés à financer une activité professionnelle (notamment les SCI, y compris familiales, et SARL de famille qui acquièrent des immeubles en vue de les louer).
3. Pour aller plus loin
3.1. Résilier à tout moment une assurance de prêt immobilier
Initialement, la loi Hamon avait autorisé les emprunteurs à changer d'assurance, à tout moment, durant les 12 premiers mois suivant la signature de l'offre de prêt. Depuis l'amendement Bourquin de 2017, la résiliation est aussi désormais possible à chaque date anniversaire de la signature de l'offre de prêt, sous réserve de respecter un délai de préavis de 2 mois, et de proposer une assurance de substitution.
Selon la députée à l'origine de la proposition de loi, ces avancées législatives n'ont cependant pas permis d'ouvrir le marché de l'assurance emprunteur à la concurrence (le secteur étant détenu à 88 % par les banques).
Le texte propose donc d'aller plus loin et en instaurant la possibilité de résilier sans frais et à tout moment l'assurance emprunteur adossée à un prêt immobilier en présentant une assurance de substitution offrant les mêmes garanties à l'établissement lui ayant octroyé le prêt. Cette mesure, totalement neutre pour les finances de l'Etat, permettrait aux emprunteurs de réaliser une économie moyenne, sur toute la durée du prêt, se situant entre 5 000 € et 15 000 € (selon le montant emprunté, la durée du prêt et l'âge du souscripteur, l'économie étant plus importante pour les jeunes emprunteurs).
Article 1 du projet de loi
C. ass. art. L 113-12-2 , C mut. art. L 221-10
Par ailleurs, en cas de refus de résiliation ou de substitution, l'établissement prêteur sera désormais dans l'obligation de communiquer sa décision de manière explicite, d'indiquer l'intégralité des motifs de refus et de préciser, le cas échéant, les informations et garanties manquantes.
Article 2 du projet de loi
C. ass. art. L 313-30
En cas d'acceptation, le prêteur sera tenu de produire un avenant au contrat de crédit dans un délai de 10 jours ouvrés à compter de la réception de la demande de substitution.
Article 4 du projet de loi
C. cons. art. L. 313-31
L’assureur sera enfin tenu d'informer chaque année l’assuré, sur support papier ou tout autre support durable, du droit de résiliation, des modalités de résiliation et des différents délais de notification et d’information qu’il doit respecter. Le manquement à cette obligation sera sanctionné par une amende administrative dont le montant ne pourra excéder :
- 3 000 € lorsque le prêteur est une personne physique,
- et 15 000 € lorsque le prêteur est une personne morale.
Article 3 du projet de loi
C. ass. art. L 313-8 et L 113-15-3 ; C. mut. art. L. 221-10-4
L’ensemble de ces mesures s’appliquera aux offres de prêts émises à compter du 1er juin 2022 et à compter du 1er septembre 2022 pour les assurances emprunteurs en cours.
3.2. Suppression du questionnaire de santé lorsque l'encours de crédit par assuré est inférieur à 200 000 €
La loi prévoit que les assureurs auront, à compter du 1er juin 2022, l'interdiction de demander un questionnaire de santé ou des examens médicaux aux assurés dès lors :
- que le montant total des crédits pour un même assuré est inférieur à 200 000 €,
- et que l'intégralité du crédit sera remboursée avant que l'assuré ait atteint l'âge de 60 ans.
Article 7 bis du projet de loi
C. ass. art. L. 113-2-1
Ces plafonds pourraient être modifiés ultérieurement par décret, mais uniquement à la faveur de l'assuré.
3.3. Convention AERAS - Limitation à 5 ans du droit à l'oubli et ouverture de négociations en vue de renforcer ce droit
Le texte prévoit également de renforcer le droit à l'oubli.
Ce dispositif permet aux personnes ayant été atteintes d'une pathologie cancéreuse - sous réserve qu'elles remplissent certaines conditions - de ne pas déclarer leur ancienne maladie lors d'une demande de prêt (ce qui leur évite ainsi de se voir appliquer des surprimes).
Le droit à l'oubli concernait jusqu'alors les personnes :
- âgées de moins de 21 ans, guéries depuis plus de 5 ans et sans rechute ;
- âgées de plus de 21 ans, guéries depuis plus de 10 ans et sans rechute.
Pour les personnes ne relevant pas du droit à l'oubli, la Convention AERAS - signée entre l'Etat, les banques, les assureurs, les associations de consommateurs et de personnes malades - prévoit une grille de référence dans le but de faciliter l'accès à l'assurance emprunteur pour un certain nombre de pathologies listées.
Ce système présente 2 failles notables :
- les délais actuels du droit à l'oubli pour les pathologies cancéreuses "ne correspondent ni à la réalité du marché de l’emprunt immobilier, ni à celle des études épidémiologiques" ;
- certaines pathologies chroniques, telles que le diabète, sont exclues de la Convention AERAS.
La loi limite désormais à 5 ans (après la fin du protocole thérapeutique), quel que soit l'âge de l'emprunteur, le délai au-delà duquel aucune information médicale relative aux pathologies cancéreuses et à l’hépatite virale C ne peut être recueillie par les organismes assureurs.
Elle invite par ailleurs les parties prenantes de la Convention AERAS à engager des négociations, dans un délai de 3 mois, sur la possibilité :
- de fixer des délais au-delà desquels aucune information médicale ne peut être recueillie par les organismes assureurs pour les pathologies autres que cancéreuses,
- d'étendre la grille de référence AERAS à davantage de pathologies non cancéreuses.
À défaut d'accord au terme des négociations, les conditions d’accès à la convention seront fixées par décret en Conseil d'État (à paraître vraisemblablement dans les 2 ans suivant l'adoption de la loi), celles-ci ne pouvant être moins favorables que celles en vigueur à la date de la publication de la loi.
Articles 7 et 9 du projet de loi
C. ass. art. L. 113-2-1
CSP art. L. 1141-5