DONATION - Peut-on cumuler les abattements et les exonérations à notre disposition ? Lequel(s) privilégier ?

25/09/2023
Actif Patrimoine Conseil

1. Question

Dans le cadre d’une donation, lorsque j'ai plusieurs abattements et exonérations à ma disposition le(s)quel(s) vaut-il mieux utiliser ?

2. Réponse

Lors d’une donation, et selon le lien de parenté entre le donateur (celui qui donne) et le donataire (celui qui reçoit), il existe des abattements applicables permettant de réduire le coût de cette transmission. 

Selon les biens donnés (sommes d’argent, bien immobilier, entreprise, société, biens ruraux, etc.) des exonérations complémentaires et cumulables sont possibles, sous réserve du respect d’un certain nombre de conditions.

En cas de donation et lorsque des exonérations/abattements spéciaux sont prévus, il convient de les appliquer prioritairement aux abattements de droit commun.

2.1. Choisir l'ordre des abattements / exonérations

Il existe des cas particuliers où certaines donations bénéficient d’exonérations complémentaires aux abattements de droit commun (dont disposent notamment les enfants et petits-enfants gratifiés par le donateur).
CGI. art. 779

Il est important de privilégier ces exonérations prioritairement aux abattements, pour plusieurs raisons :

  • si l’exonération / abattement spécial n’est pas applicable ou n’existe plus au jour du décès, cet avantage sera définitivement perdu.
  • si le décès intervient avant les 15 ans du rappel fiscal, si l’abattement de droit commun a été en tout ou partie consommé par une donation antérieure, l’assiette taxable au décès sera d’autant plus importante pour le donataire. 
Exemple :

Un contribuable dispose d’un patrimoine de 120 000 €.
En 2023, il donne à son fils la somme de 20 000 €.

Option 1 : Il réalise cette donation dans le cadre de l’exonération prévue pour les dons familiaux de sommes d’argent.
CGI. art. 790 G

Le contribuable décède en 2025. Son patrimoine est de 100 000 €.
Le fils bénéficie d’un abattement en ligne directe de 100 000 €, et n’aura aucun droit à payer. 
CGI. art. 779

Option 2 : Il réalise cette donation en utilisant une partie de l’abattement en ligne directe entre parent et enfant.
CGI. art. 779

Le contribuable décède en 2025. Son patrimoine est de 100 000 €.
Le décès est intervenu avant les 15 ans de rappel fiscal. Le fils dispose de 80 000 € d’abattement en ligne directe non encore consommé. Il est taxé aux droits de succession sur les 20 000 € restants, soit un impôt dû de 2 194 €.
Le fait de ne pas avoir utilisé l’exonération disponible a un impact négatif sur le montant des droits de succession dus par le fils. 

Attention :

Le professionnel (notaire, banquier, CGPI, etc.) est tenu d'informer et d'éclairer les parties, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets, notamment quant aux incidences fiscales, de l'acte auquel il prête son concours. Il engage sa responsabilité lorsqu’il n’attire pas l’attention du particulier sur les dispositifs fiscaux et successoraux ainsi que sur leurs incidences de ceux-ci. 
Cass. Civ. 17 mai 2023, n°21-17290

Dans la pratique et depuis le 30 juin 2021, le contribuable qui reçoit le don peut le déclarer directement en ligne sur son espace www.impots.gouv.fr. Lors de cette déclaration, il lui est proposé l’exonération des 31 865 € prioritairement à l’abattement de 100 000 €, si les conditions énoncées au paragraphe infra sont respectées.

2.2. Exemples d’exonérations / abattements spéciaux disponibles en cas de donation

Sous respect d’un certain nombre de conditions, des exonérations complémentaires aux abattements de droit commun existent dans le cadre d’une ou plusieurs donations (non-applicable en cas de transmission par décès).

2.2.1. Dons familiaux de sommes d’argent

Les dons/donations de sommes d'argent peuvent bénéficier d'une exonération jusqu'à 31 865 € renouvelable tous les 15 ans.
CGI. art. 790 G

Il convient de respecter les conditions suivantes :

  • le donateur (celui qui donne) et le donataire (celui qui reçoit) doivent avoir un lien de parenté (parents et grands-parents ou neveu et petit-neveu),
  • le donateur doit être âgé de moins de 80 ans au jour de la donation,
  • le donataire doit avoir plus de 18 ans ou être émancipé au jour de la donation.

BOI-ENR-DMTG-20-20-20, § 150, 160, 170 et 190

Attention :

Lorsque plusieurs enfants sont gratifiés, un déséquilibre peut se créer lorsque l’un d’eux est mineur. Les conditions n’étant plus remplies pour cet enfant, la donation ne peut pas bénéficier de l’exonération de 31 865 €. Par conséquence, l’enfant mineur aura son abattement classique entamé en cas de décès du parent moins de 15 ans après la donation. Alors que les enfants majeurs n’auront pas entamé ce même abattement.

Voir Exemple ci-dessous.

Afin d’éviter un effet négatif au décès, le parent qui donne peut prévoir par testament, un legs particulier hors part successorale d’une somme d’argent correspondant à la différence des droits dus.

2.2.2. Donation d’un monument historique

Pour les immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques (et les meubles en constituant le complément historique) leur donation est totalement exonérée de droits de donation (quel que soit leur montant).

Il convient de respecter les conditions suivantes :

  • le bien immobilier doit être ouvert au public,
  • les donataires doivent préalablement souscrire avec les ministres chargés de la culture et des finances, une convention à durée indéterminée.

CGI. art. 795 A
BOI-ENR-DMTG-10-20-30-60

Remarque :

L'exonération des droits est étendue également aux monuments historiques détenus par l'intermédiaire de SCI dès lors que les revenus de la société sont imposés, entre les mains des associés, dans la catégorie des revenus fonciers. La société civile doit détenir en pleine propriété et gérer un monument historique ainsi que présenter un caractère familial. Le donateur doit détenir les parts depuis plus de 2 ans.
BOI-ENR-DMTG-10-20-30-70

2.2.3. Exonération et abattement spécial – Transmission d’entreprise

2.2.3.1. Dispositif Dutreil

Le Dispositif Dutreil permet de transmettre une entreprise individuelle ou des titres d'une société en bénéficiant d'une exonération de droits de donation à hauteur de 75 % de la valeur des titres (sans limite de montant). 
CGI. art. 757 B et 757 C

Il convient de respecter les conditions suivantes :

  • la société/entreprise a une activité opérationnelle : commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, 
  • le donateur signe un pacte Dutreil contenant son engagement de conserver, seul ou avec d’autres associés, les titres pendant au moins 2 ans, 
  • au cours de l’engagement collectif, la donation doit avoir lieu au profit du donataire,
  • au cours de l’engagement collectif, le donateur ou l’un des signataires doit exercer les fonctions de direction,
  • pendant les 3 ans après la donation, le donateur, l’un des donataires ou l’un des signataires doit exercer des fonctions de direction,
  • à la fin de l’engagement collectif de conservation, le(s) donataire(s) s’engage à conserver ses titres pendant au moins 4 ans.

2.2.3.2. Donation d’une entreprise ou d’une société aux salariés

La donation des titres de sa société (ou du fonds de commerce) au bénéfice des salariés bénéficie, sur option, d’un abattement de 300 000 € sur la valeur transmise. 

L’abattement s’applique sur la part de chacun des bénéficiaires.

Il convient de respecter les conditions suivantes :

  • la donation doit être consentie en pleine propriété,
  • la société/entreprise a une activité opérationnelle : commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole,
  • le fonds, la clientèle ou les titres transmis doivent être détenus depuis plus de 2 ans par le donateur lorsqu'il les a lui-même acquis à titre onéreux,
  • les donataires (ici les salariés) sont titulaires d'un CDI depuis plus de 2 ans et exercent leurs fonctions à temps plein, ou sont titulaires d'un contrat d'apprentissage,
  • pendant les 5 ans après la donation, les donataires doivent poursuivre l'exploitation du fonds ou l'activité de la société,
  • pendant les 5 ans après la donation, l'un des donataires doit exercer des fonctions de direction.

CGI. art. 790 A
BOI-ENR-DMTG-20-30-20-20, § 150

2.2.3.3. Cumul - Réduction d’impôt dans le cadre d’une donation d’une entreprise ou d’une société

En plus des exonérations prévues, la donation d'une entreprise (et de ses biens d’exploitation) peut ouvrir droit à une réduction de droits de 50 %. 

Il convient de respecter les conditions suivantes :

  • respecter les conditions du dispositif Dutreil précédemment énumérées,
  • la donation doit être consentie en pleine propriété,
  • le donateur doit être âgé de moins de 70 ans au jour de la donation.

BOI-ENR-DMTG-20-30-20-50, § 10

Remarque :

Cette réduction d'impôt vient en dernier lieu après l'application des autres exonérations.

2.2.4. Donation de biens ruraux

Des dispositifs d’exonération partielle existent dans le cadre de la donation de certains biens ruraux.

Tel est notamment le cas pour les bois et forêts, les parts de groupements forestiers (GF), les parts de groupements fonciers agricoles (GFA), les parts de groupements fonciers ruraux (GFR), les biens ruraux loués à bail à long terme, les propriétés non bâties incluses dans certains espaces naturels protégés ainsi que les comptes d’investissement forestier et d’assurance (CIFA). 

Les conditions à respecter pour les principaux dispositifs sont reprises dans le tableau suivant : 

DispositifsPrécisions - Principales conditionsMontantBase
Bois et forêtsproduction d’un certificat attestant que les bois/forêts sont susceptibles de présenter une des garanties de gestion durable,engagement de gestion durable pendant 30 ans¾ de la valeur vénale du bienCGI. art. 793, 2, 2° CGI. art. 1840 G
Parts de groupements fonciers agricoles (GFA)interdiction d'exploitation en faire-valoir direct,les immeubles à destination agricole doivent faire l'objet d'un bail rural à long terme ou d'un bail rural cessible hors du cadre familial,donateur propriétaire des parts depuis 2 ans (sauf apport)conservation des parts pendant 5 ans minimum par le donataire,en cas de donation au preneur, le bail doit exister depuis au moins 2 ansConservation pendant au moins 5 ans (et moins de 10 ans) :75 % de la valeur vénale jusqu'à 300 000 € ;50 % au delà de 300 000 €.Conservation pendant au moins 10 ans :75 % de la valeur vénale jusqu'à 500 000 € ;50 % au-delà.CGI. art. 793, 1, 4° CGI. art. 793 bis
Biens ruraux loués à bail à long termele donataire doit conserver le bien pendant 5 ans minimum,en cas de donation au preneur, le bail doit exister depuis au moins 2 ansCGI. art. 793, 2, 3° CGI. art. 793 bis

3. Références

CGI. art. 779

CGI. art. 790 G

Cass. Civ. 17 mai 2023, n°21-17290

Télé-déclaration : site impots.gouv.fr

BOI-ENR-DMTG-20-20-20, § 150, 160, 170 et 190

CGI. art. 795 A

BOI-ENR-DMTG-10-20-30-60

BOI-ENR-DMTG-10-20-30-70

CGI. art. 757 B 

CGI. art. 757 C

BOI-ENR-DMTG-20-30-20-20, § 150

BOI-ENR-DMTG-20-30-20-50, § 10

CGI. art. 793, 2, 2°

CGI. art. 1840 G

CGI. art. 793, 1, 4°

CGI. art. 793 bis

CGI. art. 793, 2, 3°

CGI. art. 793 bis

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