Questions/RéponsesEnfants mineurs
1. Question
La gestion du patrimoine de l’enfant mineur est une question récurrente et nécessite des précautions d’usage, alors quels sont les placements possibles pour une enfant pendant sa minorité ?
2. Réponse
L’enfant mineur peut avoir accès à tout un ensemble de produits financiers durant sa minorité. Cependant, la souscription de ces différents produits nécessite un accompagnement par son/ses administrateur(s) légal(aux), voire du juge des tutelles.
Pendant la minorité, les administrateurs légaux bénéficient d’un droit de jouissance sur les biens et produits de l’enfant mineur et gèrent ce patrimoine en respectant certaines obligations. A sa majorité, l’enfant acquiert une pleine autonomie sur la gestion de ses biens.
Remarque préalable
L'ouverture d'un produit d'épargne pour un enfant ne peut être faite que par ses parents ou par le ou ses représentants légaux. Même si les fonds proviennent d’une donation d’un tiers, les grands-parents par exemple, ce sont les représentants légaux qui doivent ouvrir/souscrire le produit d'épargne.
Par ailleurs, il est possible de prévoir dans l’acte de donation la nomination d’un tiers administrateur (autre que le parent de l’enfant) pour la gestion/placement des fonds pendant la minorité de l’enfant.
2.1. Les différents produits d'épargne
Attention :
La personne qui alimente un produit d’épargne se dépouille donc irrévocablement (il s’agit d’un don manuel avec toutes les conséquences civiles et fiscales que cela emporte). Il ne faut en effet pas confondre la propriété du produit qui appartient à l'enfant, et la gestion du plan qui appartient à son/ses représentant(s) légal(aux) jusqu'à sa majorité.
2.1.1. Livret A
Le mineur peut détenir un livret A et déposer des fonds sans l'intervention d'un représentant légal. Cependant, ce n'est qu'à partir de l'âge de 16 ans qu'il peut retirer les fonds seul.
Remarque :
Il existe un "livret A conditionnel". Il s'agit du livret A ouvert par un tiers au nom d'un enfant mineur. Les fonds déposés sont disponibles à une date fixée par le donateur, par exemple la majorité de l'enfant ou encore son mariage. En principe et sauf autorisation du donateur, aucun retrait ne peut être effectué par le titulaire mineur ou son représentant légal (père, mère) jusqu'à la réalisation de cette condition. L'autorisation du donateur doit être expresse et la banque doit en conserver la preuve.
En principe, on ne peut être titulaire que d'un seul livret A. En cas de non-respect de cette règle, la sanction peut aller jusqu'à l'annulation des intérêts acquis au cours des 12 derniers mois.
2.1.2. Compte épargne logement (CEL) / Plan d'épargne logement (PEL)
Un PEL et un CEL peuvent être ouverts pour le compte de l’enfant mineur. Toutefois, en cas de détention de ces deux produits, ils doivent être domiciliés dans un même établissement.
En cas de souscription pour un mineur, seul un représentant légal (généralement le père ou la mère) est habilité à ouvrir et à faire fonctionner le PEL du mineur. Il n'est donc pas envisageable d'ouvrir l'une de ces formules (PEL ou CEL) à un mineur sans l'aval et la signature de ses représentants.
2.1.3. Livret d'épargne bancaire ou compte d'épargne bancaire
Un livret d’épargne bancaire ou un compte d’épargne bancaire peuvent être ouverts pour le compte de l’enfant mineur par ses représentants légaux. Les conditions de fonctionnement sont fixées par l’établissement bancaire conventionnellement.
2.1.4. Livret jeune
Dès les 12 ans de l’enfant, les parents peuvent souscrire pour son compte un livret jeune. La demande d’ouverture peut être à l’initiative de l’enfant, il sera toutefois nécessaire d’obtenir l’accord des représentants légaux. Par ailleurs il n’est possible de détenir qu’un seul livret jeune. Pour ce qui est des retraits, avant les 16 ans de l’enfant, ils sont soumis à autorisation des représentants légaux. Entre 16 et 18 ans, l’enfant peut effectuer seul des retraits, sauf opposition des représentants.
Pour rappel, la détention du livret jeune n’est possible que jusqu’à 25 ans.
2.1.5. Compte courant
A partir de 16 ans, l’enfant mineur, peut avec l’autorisation de ses représentants légaux, ouvrir un compte bancaire, et ainsi bénéficier d’une carte bancaire et d’un chéquier.
Attention :
Les représentants légaux sont responsables des fonds et des mouvements sur les comptes de l’enfant mineur. Ils sont également tenus aux dettes du mineur.
2.1.6. Assurance-vie et contrat de capitalisation
La souscription d’un contrat d’assurance-vie pour le compte de l’enfant mineur est possible par ses représentants légaux. Elle n’est pas visée par l’article du 387-1 du Code civil (acte soumis à autorisation du juge des tutelles). Néanmoins, à notre sens, la souscription d'un contrat multi-supports devrait nécessiter l'obtention de l'autorisation du Juge des tutelles, comme constituant indirectement un acte portant sur des valeurs mobilières ou des instruments financiers au sens de l'article L211-1 du code monétaire et financier.
Contrat libellé en euros | Contrat multi-supports | |
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En présence des deux parents | Accord des deux parents C. civ. art. 382-1 C. civ. art. 387En cas de désaccord entre eux, l'autorisation du juge des tutelles est nécessaire et le juge retiendra le placement offrant toute sécurité à l'enfant sur le long terme avec notamment une garantie en capital, quand bien même la rémunération paraîtrait moins intéressante. CA Bordeaux, 8 juin 2016, n° 15/06749 (voir notre actualité) | A notre sens : l'autorisation du juge des tutelles est nécessaire Avis Fidroit : La souscription d'un contrat de capitalisation pour le compte d'un mineur n'est pas expressément visée par l'article 387-1 du code civil comme étant un acte de disposition nécessitant l'autorisation du juge des tutelles. Cependant, à notre sens, la souscription d'un contrat multi-supports constitue indirectement un acte portant sur des valeurs mobilières ou des instruments financiers au sens de l'article L. 211-1 du CMF. C. civ. art. 387-1, 8°Certains assureurs acceptent toutefois la souscription de contrats multi-supports pour des mineurs sans demander l'autorisation du juge des tutelles. |
En présence d’un seul parent | Accord du parent C. civ. art. 382 |
Décret 22 déc. 2008, n° 2088-1484, ann. 1
2.1.7. Plan d'épargne retraite (PER)
Un enfant mineur peut être détenteur d’un plan épargne retraite, en effet la loi ne fixe pas d’âge minimum pour ouvrir un PER. Toutefois la souscription sera réalisée par ses représentants légaux.
2.2. Les gestions des produits et des fruits pendant la minorité
Droit de jouissance
En cas d'administration légale, l’administrateur légal (bien souvent les parents) bénéficie d’un droit de jouissance sur le patrimoine de l’enfant mineur.
C. civ. art. 386-2 à 386-4
Ce droit concerne l'ensemble des biens détenus par l’enfant mineur (sauf rares exceptions comme les biens qu’il acquiert par son travail, ceux qui lui sont donnés ou légués avec mention expresse que les parents n'en jouiront pas, etc.)
La jouissance légale s'analyse comme un usufruit sur les biens du mineur. Ainsi, les parents peuvent conserver les revenus des biens de leurs enfants mineurs.
Les administrateurs légaux sont tenus :
- des charges auxquelles sont tenus les usufruitiers ;
- de nourrir, entretenir et pourvoir à l'éducation de l'enfant, selon sa fortune ;
- des dettes grevant la succession recueillie par l'enfant puisqu'elles auraient dû être acquittées sur les revenus.
Le droit de jouissance cesse aux 16 ans de l'enfant (ou plus tôt, s'il se marie avant cet âge), en cas de fin de l'autorité parentale ou de l'administration légale (retrait de l'autorité parentale, émancipation, décès, etc.) ou par les causes qui emportent l'extinction de tout usufruit (perte du bien, décès de l'usufruitier, etc.).
Contrôle de l'administrateur légal
Les droits des parents sont importants mais il existe toutefois des garde-fous quant à la gestion du patrimoine de l’enfant mineur.
L’administrateur légal est responsable de tout dommage résultant d’une faute quelconque qu’il commet dans la gestion des biens du mineur. Si l’administration légale est exercée en commun, les deux parents sont responsables solidairement.
L’enfant peut agir en responsabilité dans les 5 ans qui suivent sa majorité ou son émancipation. Passé ce délai l'action est prescrite.
C. civ. Art. 386
Obligations de l'administrateur légal
Par ailleurs, tout au long de l’administration légale, les représentants légaux sont tenus d’adopter une gestion prudente du patrimoine de l’enfant et dans son intérêt.
Dans certaines situations, l’administrateur légal peut être amené à établir un compte de gestion annuel du patrimoine de l’enfant mineur. Il appartiendra au juge des tutelles de formuler une telle demande, notamment lorsque son intervention est nécessaire.
C. civ. art. 385
C. civ. Art. 387-1 et -3
C. ci. Art. 387-5
2.3. Rappel épargne réglementée
Produit | Versement minimum | Plafond de dépôts | Disponibilité des fonds | Fiscalité |
Livret A | 10 € | 22 950 € | Jusqu’à 16 ans, le mineur peut retirer les fonds à tout moment, mais avec l’autorisation du représentant légalaprès 16 ans, le mineur peut retirer seul les fonds | Les intérêts sont exonérés de tout impôt et de cotisations sociales. |
CEL | 300 € | 15 300 € | Les fonds sont disponibles à tout moment, mais jusqu'aux 18 ans de l'enfant, c'est le représentant légal qui assure la gestion du compte | Les CEL ouverts à partir de 2018 sont soumis au prélèvement forfaitaire unique (PFU) au taux de 30 % (dont 17,2 % de prélèvements sociaux et 12,8 % d’impôt sur le revenu). |
PEL | 225 € | 61 200 € | Les fonds peuvent être retirés à tout moment, mais jusqu'aux 18 ans de l'enfant, c'est le représentant légal qui assure la gestion du PEL. | Les PEL ouverts à partir de 2018 sont soumis au prélèvement forfaitaire unique de 30 % (dont 17,2 % de prélèvements sociaux et 12,8 % d’impôt sur le revenu). |
Livret jeune | 10 € | 1 600 € | Avant 16 ans, les mineurs doivent obtenir l'autorisation de leur représentant légal pour effectuer des retraits.Entre 16 et 18 ans, les retraits sont possibles sauf si le représentant légal s'y oppose.Après 18 ans, il est possible d'effectuer des retraits seuls. | Les intérêts sont exonérés d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux. |
3. Références
- C. civ. articles 382 à 386 Droits et devoirs des parents (administration légale)
- C. civ. articles 386-1 à 386-4 Droits et devoirs des parents (jouissance légale)
- C. civ. articles 1145 à 1152 Interdiction aux mineurs de signer un contrat
- CMF articles L221-1 à L221-8 Livret A à partir de 16 ans (article L221-4)
- CMF articles L221-24 à L221-26-1 Livret jeune à partir de 12 ans (article L221-24)
- CMF articles R221-76 à R*221-82 Ouverture livret jeune avec autorisation du représentant légal (article R221-77)